Les diabétiques insulinodépendants ne prennent jamais de vacances… pour l’instant ! En attendant qu’un jour les traitements et les outils mis à la disposition des diabétiques soient complètement performants et démocratisés, Kyle Jacques Rose, diabétique de type 1, participe directement à leur évolution.
Gros plan sur Kyle Jacques Rose, consultant en diabète et ses technologies…

 

Diabète Mag : Kyle, vous avez réussi à relier vos compétences d’ingénieur et votre passion du vélo au diabète. Par quoi avez-vous commencé ?

Kyle J. Rose : À la fin de mes études, j’ai travaillé comme ingénieur pour un laboratoire spécialisé dans les lecteurs de glycémie. Avant son rachat par un grand laboratoire, celui-ci sponsorisait une équipe de cyclistes à la fois professionnels et diagnostiqués diabétiques de type 1 : c’était le «Team Type 1» (l’Equipe Type 1). J’ai naturellement intégré l’équipe et progressivement laissé de côté mon poste d’ingénieur pour me consacrer pleinement à ma carrière sportive. En rejoignant le Team Type 1, j’ai pu à la fois vivre ma passion et m’associer à d’autres athlètes pour inspirer et encourager les diabétiques du monde entier à  réaliser leurs rêves, grâce à une gestion régulière et responsable de leur diabète.

 

Diabète Mag : Vous avez arrêté le vélo en tant que professionnel à l’âge de 30 ans. Aujourd’hui à 37 ans, vous êtes consultant dans l’industrie du diabète…cela consiste en quoi exactement ?

Kyle J. Rose : J’interviens de façon différente selon les projets. A travers le cabinet de conseil Delta Project Management que j’ai créé avec trois autres ingénieurs associés, je participe à l’étude des différents projets, à l’évaluation des produits mais aussi à leur réalisation selon les cas. Ces études sont évidement conduites avec le plus grand soin.

 

Diabète Mag : Vous testez personnellement les produits de certains laboratoires tels que les lecteurs de glycémie, les pompes à insuline… Êtes-vous complètement libre de vous exprimer sur les produits que vous essayez ?

Kyle J. Rose : Bien sûr, totalement et c’est le but de ces tests. Le fait que je sois diabétique me permet de tester les appareils de façon réaliste et honnête. J’ai également une vision plus large de ce qui pourrait être proposé pour répondre aux besoins des personnes diabétiques. Je connais les difficultés récurrentes qui forment le quotidien des diabétiques, car c’est aussi mon quotidien depuis l’âge de 16 ans. Je peux évaluer un produit, faire des recommandations mais également conseiller sur sa forme et son design pour qu’il soit plus agréable à utiliser tout en restant fonctionnel. Ce sont des données sur lesquelles les chercheurs et ingénieurs dans les laboratoires ont peu de connaissances, à moins d’êtres diabétiques… Ces tests en amont sont essentiels avant le développement des produits et ont pour objectif principal d’aider les laboratoires à améliorer les produits proposés aux diabétiques pour toujours leur apporter un peu plus de confort. Je ne suis pas le seul à faire ça et j’applaudis toute autre initiative similaire comme celle du Diabete Lab de la Fédération Française des Diabétiques.
Mon profil est particulièrement adapté dans le « User Experience Design », un terme récent qui désigne « l’Expérience de l’Utilisateur ». C’est ce que j’ai fait pour « mySugr », une application pour diabétiques et créée par des diabétiques afin de rendre le diabète moins pénible. C’est un très gros projet, vraiment passionnant, qui requiert des connaissances en haute technologie mais pas seulement. L’application doit être à la fois fonctionnelle, utile et de surcroît l’expérience doit être bien sûr agréable ! 

 

Diabète Mag : Quel sont les derniers outils que vous avez testés sur le diabète
et qu’en avez-vous pensé ?

Kyle J. Rose : Les lecteurs de glycémies en continue et une pompe à insuline en boucle fermée. Le lecteur de glycémie est bien moins contraignant qu’un lecteur classique, car contrairement à ce dernier, il permet de diminuer les piqûres dans les doigts. Mais il est cher et n’est pas encore remboursée par les organismes de santé. Combiné avec la pompe à insuline, il permet d’éviter les peurs d’hypoglycémies nocturnes et de gérer un diabète plus stable.

 

… J’espère qu’un jour les diabétiques pourront prendre des vacances…

 

Diabète Mag : Quel nouvel outil aimeriez-vous tester ?

Kyle J. Rose : Un stylo connecté au Cloud via bluetooth pour ceux qui n’utilisent pas la pompe à insuline. Il me semble que cela fera partie de l’avenir en attendant de trouver soit un traitement capable d’enrayer la maladie ou bien un outil capable de gérer le diabète automatiquement. On a progressé vers des solutions dans certains champs de recherche…mais ça prendra encore des années avant de pouvoir oublier qu’on a du diabète grâce aux nouvelles technologies !

 

Diabète Mag : Malgré vos nombreuses occupations professionnelles, partageant votre temps entre la France et les États Unis, vous êtes également un membre actif de l’IDF « International Diabetes Federation » (Fédération international du diabète). Quel est votre fonction auprès de cette organisation ?

Kyle J. Rose : De façon totalement bénévole, je m’applique à aider les diabétiques, en particulier les jeunes. A travers l’IDF, nous organisons des colonies de vacances pour jeunes diabétiques avec des ateliers où je les informe sur le diabète, le sport, les technologies… D’une façon régulière et générale, je propose des conférences sur le sujet, organise des visites dans les hôpitaux, ou avec les élus locaux, nationaux, ou européens…
L’IDF a pour fonction de rapprocher les diabétiques du monde entier à travers différents événements auxquels je participe activement. D’autres opérations sont également très importantes, comme celle de favoriser la démocratisation des traitements et des technologies liées au diabète, en particulier dans les pays en voie de développement. Le remboursement des lecteurs de glycémie en continue est aussi une étape à franchir pour permettre aux diabétiques de diminuer les désagréables piqûres pluriquotidiennes dans leurs doigts et de surveiller la glycémie de plus près.

 

Diabète Mag : Avec le recul et l’expérience que vous avez acquise aujourd’hui, le diabète vous a t-il freiné dans vos projets et comment, lorsque vous aviez 16 ans, avez vous géré votre diabète ?

Kyle J. Rose : Le diabète n’a pas freiné mes projets mais j’ai dû adapter mon traitement ! Le diabète se gère au quotidien, toute l’année… c’est un challenge permanent car il n’y a pas de vacances !
C’est parfois facile et parfois on n’a pas envie…A 16 ans, c’est une grande responsabilité et un effort permanent que l’on doit gérer car la moindre relâche sur les soins peut avoir des conséquences sur la santé et les performances qu’elles soient intellectuelles ou sportives. J’ai dû respecter les consignes de mon médecin, puis comprendre les causes et les effets liés à la maladie et son traitement. Cela afin d’être au mieux de mes capacités, que ce soit dans le domaine des études ou de mes entraînements sportifs. Avec le temps on s’y habitue mais en fait, on n’a jamais l’esprit complètement libre.

 

Diabète Mag : Aujourd’hui, comment imaginez-vous la vie sans diabète ?

Kyle J. Rose : C’est une maladie silencieuse qui domine la vie quotidienne alors je l’imagine bien agréable, une vraie bouffée d’air frais ! Peut-être dans un futur pas si lointain…